Je vous propose aujourd'hui un circuit original, sur l'ancien site d'extraction de la pierre du Midi du plateau Sainte Juste. Fort de plus de 52 hectares, ce site s'étend sur les communes de St Paul Trois Châteaux et St Restitut dans le département de la Drôme et Bollène dans celui du Vaucluse. Les vestiges actuels témoignent de l'importance qu'a pu avoir sur l'économie de la ville l'activité d'extraction de cette pierre remarquable, également appelée molasse.
La Pierre du Midi est en effet une roche calcaire qui a la particularité de se tailler facilement et de durcir à l'air. Elle est particulièrement solide et est caractérisée par sa blancheur, ce qui a valu à la ville Tricastine d'être surnommée "la ville blanche".
Le point de départ de cette petite balade se fait au belvédère, devant l'entrée des caves cathédrales, un sentier en contrebas.
nb : plusieurs saisons de photos illustrent cette balade
Le site a été exploité depuis l'Antiquité par les Romains pour fonder la ville d'Augusta Tricastinorum aux alentours du 1er siècle sur l'emplacement actuel de la ville de St Paul Trois châteaux.
Du moyen âge jusqu'au milieu de XIXème siècle de petits exploitants travaillaient pour une utilisation locale de la pierre. Tout va changer à partir de 1850 avec l'apparition du chemin de fer : on passe alors d'une activité artisanale à un système industriel où l'exportation peut se faire de plus en plus loin et pour de plus en plus de clients. L'exploitation devient massive.
L'exploitation industrielle sur le plateau Ste Juste commence en 1845 sous l'impulsion du Baron du Bord maire de St Paul. Il rachète des petites exploitations artisanales et acquiert de nombreux terrains. Il ouvre alors différents types de carrières : carrières à ciel ouvert, carrières en galerie et carrières souterraines.
Nous arrivons rapidement en vue de l'entrée des carrières en galerie, masquée par la végétation.
Nous pénétrons à l'intérieur et divaguons entre d'imposants piliers carrés qui soutiennent la voûte.
Quai de chargement |
Toutes les carrières étaient reliées entre elles par un chemin de fer sur lequel circulait des wagonnets pour acheminer les blocs et évacuer les déchets. A partir de 1855 ce réseau de voies ferrées fut relié à un plan incliné qui descendait les wagonnets jusqu'à une petite gare de triage et de déchargement à St Paul trois châteaux relié au réseau ferré par la ligne Pierrelatte / Nyons. De là les blocs étaient expédiés sur les chantiers urbains. En 1861 un nouveau plan incliné à double voie est construit : les wagons dégringolent 860m sur un dénivelé de 170 mètres. Pour freiner, un énorme frein à tambour abrité dans cet imposant édifice en pierre de taille encore présent et qui vaut le coup d’œil :
"Sainte Juste 1861-1892 " |
De l'autre côté un autre tambour et un autre câble remontaient les wagonnets vides.
Sur cette vieille carte postale on voit le positionnement du câble et l'état de l'édifice à l'état neuf.
En 1878 la société Générale des Carrières du Midi (SGCM) dont le siège était à Lyon rachète la carrière de Ste Juste, le plus gros terrain d'exploitation de la commune.
La SGCM exporte ses pierres jusqu'à Lyon, Grenoble, Marseille, Lausanne, Genève...
La pierre extraite des carrières n'est pas travaillée sur place. Elle est expédiée sous forme de blocs aux dimensions standardisées. Le bloc était acheminé vers le moyen de transport (charrettes puis wagonnets) sur des rouleaux de bois cerclés, remplacés plus tard par des voies ferrées.
La guerre de 1914 met brutalement fin à 60 ans de prospérité de la pierre du Midi. Faute de main d’œuvre et de commandes les carrières ferment.
Après la guerre, les infrastructures détruites ne permirent pas aux commandes d'être honorées. Seuls quelques exploitants indépendant tournés vers le marché local résistèrent encore quelques temps. Puis la modernisation des techniques architecturales et le ciment armé finiront par mettre à mal l'exploitation des carrières de pierre après la seconde guerre mondiale.
L'arrivée laisse une étrange impression de brusque abandon des lieux en pleine activité. Des blocs gisent ça et là, certains encore sur les quais prêts à être embarqués.
Carrière à ciel ouvert |
Ici le travail de découpe semble s'être interrompu brutalement :
A l'intérieur des carrières, les traces de découpes laissées par les machines qui n'ont pas fini leur travail. Le temps semble s'être arrêté ici aussi.
Mais le plateau de St Restitut n'a pas pas fini de dévoiler tous ses centres d’intérêt.
Nous suivons le sentier jusqu'à la chapelle Ste Juste au sommet du coteau des Archivaux.
La chapelle actuelle du XIXème siècle est bâtie sur les fondations d'une chapelle romane située en un point d'observation stratégique dont on voit encore les vestiges au nord.
Une porte sur le vide ? |
Intérieur de la chapelle |
Une table d'orientation permet d'identifier le paysage et les villages qui nous entourent.
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Vue sur la centrale nucléaire du Tricastin |
et sur la ville de St Paul trois Châteaux |
Vue sur Clansayes |
Nous faisons demi-tour puis empruntons le sentier qui longe le plateau côté ouest, la ville à droite en contrebas. Nous traversons la garrigue parmi le scintillement étoilé des fleurs d'amélanchiers.
Après une nouvelle carrière à ciel ouvert envahie par la végétation en contrebas puis un sous-bois des ruines de belles maisons en pierre.
Je n'ai trouvé malheureusement aucune indication historique sur ces habitations. Elles appartenaient vraisemblablement à de riches exploitants. Celle-ci contient des marques qui pourraient correspondre à l'emplacement d'un treuil.
Si l'on continue encore le chemin, on retrouve notre bâtiment de la machinerie du funiculaire, logique puisque tous les moyens de transport y menaient pour descendre les blocs par le plan incliné.
Nous marchons d'ailleurs sur quelques mètres dans le sentier où était situé ce plan, dans l'alignement du bâtiment du frein. On peut voir sur une photo satellite ce sentier rectiligne.
En me retournant j'ai eu l'impression de voir l'entrée d'une cité antique ruinée.
Nous découvrons quelques sources non loin de là. On imagine aisément les carriers venir se rafraîchir ici.
Les dernières traces des carrières de pierres du midi disparaissent peu à peu sous les boisements. Les carrières n'accueillent plus que promeneurs, vttistes, cyclistes acrobatiques,
paintballeurs et taggueurs.
Néanmoins il faut être prudent car les plafonds s'écroulent régulièrement.
D'autres photos des lieux prises lors d'une balade plus récente (mai 2015) :
Source
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4 commentaires:
Ici c'est chez moi, j'ai connu la batisse du frein du plan incliné avec sa toiture, rien n'est fait pour sauvegarder ce patrimoine de St Restitut et St Paul hélas..
Au faite, moi c'est Jipai d'over blog, Sud Drôme, merci pour ton blog ou je puise des infos pour mes "petites" ballades!
A plus
Je pense que je t'aurais reconnu avec ta photo de la grotte Chauvet... C'est bien dommage en effet que rien ne soit fait pour préserver et faire connaitre culturellement ce site.
Bonjour nous sommes allé devant le bâtiment de la machinerie et il y a une date 1892 à quoi cela correspond t il ? Merci pour votre réponse CDLT.
Je suis désolé Unknow, je ne sais pas du tout, d'autant qu'il y a deux dates, je ne vois pas à quoi elles correspondent. Il me semble que la construction du plan incliné date du 1891 mais ça ne répond pas à la question...
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